L’Après-Covid pour la BCE : naviguer entre relance économique et maîtrise des pressions inflationnistes

Après une première vague en 2024, la BCE prévoit une nouvelle salve de baisse des taux d’intérêt en ce début d’année. L’objectif ? Réagir aux trimestres successifs de désinflation… L’équilibre entre relance économique et risques de perturbations des entreprises n’est pas aisé. 

Deux ans après la crise sanitaire du Covid-19, l’Europe se trouve à un tournant économique : comment la BCE peut-elle relancer la croissance tout en jugulant les tensions inflationnistes qui menacent de fragiliser la reprise ? Un défi délicat qui nécessite un équilibre entre soutien économique et vigilance monétaire.

Il y a de la marge pour d’autres baisses”, Christine Lagarde, directrice de la BCE

Une relance nécessaire après une crise sans précédent

La pandémie a plongé l’Europe dans une récession historique, provoquant une contraction brutale des activités économiques. En 2020, l’économie de la zone euro a reculé de -6.3%. Afin de soutenir l’économie, la BCE (Banque Centrale Européenne) a adopté des mesures exceptionnelles : des taux d’intérêts au plus bas, une politique d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) et des programmes de soutien pour les secteurs les plus touchés. Le taux de dépôt, qui était de -0.5% en 2021, a été maintenu pendant longtemps à des niveaux extrêmement bas pour stimuler la demande et favoriser les investissements.

La priorité était claire : maintenir l’activité économique et éviter une déflation dévastatrice. Grâce à ces interventions massives, l’économie a pu se redresser lentement, avec une croissance de 5,3 % en 2021. Toutefois, le chemin reste semé d’embûches. Le relèvement des chaînes d’approvisionnement, la reprise de l’industrie et la normalisation des marchés de l’emploi sont des enjeux majeurs. Le taux de chômage dans la zone euro a atteint 6,6 % fin 2022, un niveau relativement faible, mais la transition vers une reprise durable demeure fragile.

Les risques inflationnistes : un défi de taille

Cependant, la sortie de crise a aussi été marquée par une remontée rapide de l’inflation, alimentée par une combinaison de facteurs : la hausse des prix de l’énergie, les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, et la forte demande stimulée par les politiques de soutien économique. En janvier 2023, l’inflation dans la zone euro a atteint des niveaux records de 8,5 %, des chiffres qui n’avaient pas été observés depuis plusieurs décennies. Ce taux d’inflation est bien au-dessus de l’objectif habituel de la BCE, qui est de maintenir l’inflation autour de 2 %. Cette hausse des prix a été en grande partie alimentée par l’augmentation des prix de l’énergie, dont le prix du gaz naturel a atteint un pic de 345 euros par mégawattheure (MWh) en août 2022.

Alors que la BCE a longtemps tenu un discours accommodant face à l’inflation, pensant que celle-ci était transitoire, la réalité s’est avérée plus complexe. Les hausses de prix se sont révélées persistantes, et la banque centrale se voit contrainte d’agir pour limiter les risques à moyen et long terme, en particulier pour les consommateurs et les ménages européens.

La BCE face à un dilemme : relance ou resserrement ?

L’un des plus grands défis de la BCE aujourd’hui réside dans son équilibre délicat entre relance économique et maîtrise de l’inflation. D’un côté, un resserrement trop rapide de la politique monétaire pourrait freiner une reprise déjà fragile. D’un autre côté, une politique monétaire trop accommodante risquerait de déstabiliser les prix et de mener à une inflation trop élevée, érodant le pouvoir d’achat des citoyens et fragilisant la confiance des investisseurs. En 2022 et 2023, la BCE a entamé une série de hausses de taux d’intérêt. Le taux de dépôt, qui était de -0,5 % en 2021, a été relevé à 3 % en février 2023. L’objectif est de ralentir l’inflation en rendant le crédit plus coûteux et en limitant ainsi la demande.

Mais cette stratégie présente un risque : à trop serrer les vannes de la liquidité, la BCE pourrait étouffer une économie encore fragile. Le danger d’une récession prolongée dans certains pays de la zone euro, alimentée par une politique trop restrictive, reste bien réel.

Le rôle de la BCE est crucial dans cette période. 

Elle doit continuer à naviguer avec prudence, en ajustant les taux d’intérêt et en adaptant la politique de soutien en fonction des signaux économiques. La BCE devra également surveiller les  risques d’un durcissement prématuré des conditions de financement, qui pourrait se traduire par des récessions économiques dans certains pays de la zone euro.

Les défis à long terme : quelles perspectives pour la zone euro ?

En dépit de la situation incertaine, les experts s’accordent sur l’idée que la BCE devra sans doute trouver un équilibre entre le soutien à la croissance et le contrôle de l’inflation dans les années à venir. Le danger d’une stagnation prolongée de l’économie européenne n’est pas à écarter, et la BCE devra jouer un rôle clé pour éviter une nouvelle crise économique. La dette publique dans la zone euro a atteint un niveau record de 94 % du PIB en 2022, un fardeau qui complique encore davantage les choix économiques de la BCE.

L’enjeu, pour la BCE, est de soutenir l’économie tout en assurant une transition vers une croissance durable, qui ne repose pas uniquement sur les injections monétaires. L’efficacité des réformes structurelles dans les pays de la zone euro, l’investissement dans les nouvelles technologies et la transition énergétique joueront également un rôle crucial dans l’avenir économique de l’Europe.

Enfin, la BCE devra continuer à se coordonner avec les gouvernements des États membres pour garantir que les politiques économiques et budgétaires soient cohérentes. L’après-Covid n’est pas seulement un défi pour la BCE, mais pour l’ensemble des institutions européennes.

Nguyen Noam

Machut Baptiste

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